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Acouphènes : j'aimerais réentendre le silence

Temps de lecture : 2 min.
23/03/22

On estime que les acouphènes chroniques touchent jusqu'à 15 % de la population mondiale et que ce chiffre pourrait augmenter en raison du Covid-19. Les acouphènes sont donc beaucoup plus répandus que de nombreuses autres maladies chroniques pourtant, nous ne savons pas grand-chose à leur sujet.

L’acouphène est un trouble auditif qui se manifeste subitement par un sifflement ou un bourdonnement dans l’oreille.  Il est souvent synonyme d’insomnies, de stress voire de dépression pour la personne qui le subit. C’est un trouble qui touche entre 10 et 15 % de la population soit environ 20 millions de personnes.

À l'occasion de la semaine des acouphènes 2022, ayant lieu du 7 au 13 février, l’IDA institute s’est entretenu avec deux personnes qui vivent quotidiennement avec cette maladie. L’objectif : qu’elles expliquent comment chaque jour elles la gèrent et ce qu'elles aimeraient que les autres comprennent.

 Nick Coleman journaliste britannique

Journaliste musical Nick Coleman est un Britannique ancien éditeur du magazine Time Out. Les acouphènes de Nick ont commencé il y a 15 ans, lorsqu'il a souffert d'une perte auditive neurosensorielle soudaine. Il a complètement perdu l’audition d’un côté, côté où il ressent les acouphènes. Son "cerveau brouillé" a lutté pendant des mois pour donner un sens aux sons qui entraient par sa bonne oreille.

 Shari Eberts conférencière spécialisée dans la perte auditive

Auteure et conférencière internationale, Shari Eberts est la fondatrice du blog Living With Hearing Loss à travers lequel elle partage des informations et anecdotes sur sa vie avec une perte auditive. Ses acouphènes sont apparus cinq à dix ans après les débuts de sa perte auditive. Pour elle, ils ressemblent au bruit d'une lampe fluorescente, un faible ronflement. Durant certaines saisons de l’année, leur son devient parfois plus perturbant et plus grave.

Bien qu’ils souffrent de la même affection, Nick et Shari ont des symptômes, des ressentis et une expérience avec ce trouble qui sont totalement différents. Comme toutes les personnes souffrant d'acouphènes, ils vivent les signes de la maladie et leurs impacts sur leur vie de manière unique.

Nick Coleman : Après avoir complètement perdu l'audition de mon côté droit, j'ai développé des acouphènes sifflants, qui se sont ensuite transformés en un bruit blanc et rugissant. J'ai également eu des hallucinations auditives. J’entendais des sons extraordinaires qui n'existaient tout simplement pas. Cela a duré pendant les six premiers mois environ.

Shari Eberts : Au début, c'était très léger, comme le bruit d’un néon quand il est allumé et le son augmentait de plus en plus. Au début, je pensais que c'était un bruit réel. Je regardais autour de moi, je demandais à mon mari s'il l'entendait et nous le cherchions. Puis, finalement, j'ai compris que c'était un bruit dans ma tête et j'ai dû apprendre ce qu'était un acouphène."

Nick Coleman : Ils sont toujours là. Mais ils fluctuent en termes de fréquence et d’intensité, en fonction des sons ce qui entrent dans mon oreille valide. Le rendu est donc très sujet aux interférences du monde réel.

Shari Eberts : Je peux maintenant différencier le bruit du néon des autres sons. Je me dis : "C'est mon acouphène, OK, je t'entends, va-t'en !" et parfois j’arrive à le bloquer. Mais ce sont des montagnes russes. Parfois, j’arrive à bien le gérer et je ne le remarque pas pendant des jours ou des semaines, je fais donc partie des chanceux. Certaines personnes souffrent toute la journée, tous les jours, toute l'année."

Nick Coleman : "Je ne peux pas aller dans les bars ; les restaurants sont peut-être l’endroit le moins inconfortables et les cafés ou les soirées animées en intérieur sont impossibles. En revanche, je peux aller à un match de football, à condition d'avoir des bouchons d'oreille très performants. La raison est simple : pendant les événements sportifs, tous les spectateurs réagissent aux mêmes phénomènes, ce qui fait que mon système nerveux est en phase avec celui des autres. Donc quand la foule fait "ooh" et "aah", vous la suivez. C'est beaucoup moins douloureux que le brouhaha aléatoire, arbitraire, chaotique et à faible volume d'une galerie d'art, par exemple.

Autre chose : chaque fois que je ne me sens pas bien, mes acouphènes s'aggravent. Je n'ai donc pas été surpris de voir que lorsque j'ai été frappé par le Covid en octobre 2020 de manière grave, mes acouphènes ont atteint leur paroxysme."

Shari Eberts : "Pour moi, les acouphènes se manifestent vraiment par temps froid, au moment du changement de saison. J'ai toujours le son des néons, mais il y a en plus un son différent, plus grave, en plein milieu de la parole et il est difficile de le bloquer. Il s'accompagne souvent de maux de tête ou de vertiges et parfois j'ai l'impression de ne pas très bien entendre, donc il y a toute une série de symptômes. Cela m'épuise vraiment et c'est très désagréable. J'en souffre par intermittence pendant deux ou trois mois chaque année.

"Les sons très répétitifs et rythmés sont également à l'origine de ce phénomène, notamment lorsque je suis dans un avion, un train ou un bus, et parfois même dans une voiture. Ensuite, si je regarde une émission de télévision et qu'il y a une explosion et qu'ils jouent un son aigu pour imiter une vraie détonation, je mets automatiquement mes mains sur mes oreilles aussi vite que possible, pour que ça ne fasse pas d'étincelles dans mes oreilles (ou mon cerveau)."

Nick Coleman : "Je suis dans une prairie ouverte et sans vent, avec peu de bruit ambiant peut-être juste une vache qui broute au loin. Comme mon cerveau a appris à faire abstraction des acouphènes, être dans un environnement calme ou silencieux qui ne présente aucune menace, aucune possibilité d'augmenter le niveau de mes acouphènes, c'est le paradis pour moi. Soit ça, soit un environnement où il n'y a qu'une seule chose sur laquelle se concentrer par exemple un film ou de la musique »

Shari Eberts : "J’entends un peu de bruit de fond, comme une musique légère ou quand je suis à l’extérieur j’entends les oiseaux et le vent dans les arbres. Voici le cadre parfait pour moi. De manière générale, je suis plus à l’aise quand il y a un léger saupoudrage de bruit qui n'attire pas l’attention ; qui est juste un bruit ambiant qui bloque tout ce que je ne veux pas entendre."

Nick Coleman : "Mes acouphènes sont fondamentalement les mêmes qu'au début. Mais mon cerveau a considérablement appris à les neutraliser. J'en suis donc beaucoup moins conscient qu’avant. Je ne peux pas écouter de musique à un volume élevé, ce qui est très triste. La musique est ma plus grande passion dans la vie. Heureusement, je peux tout de même en écouter. Il m'a fallu environ trois ans pour en arriver là, trois années angoissantes et une ou deux de plus pour arriver au niveau de déconnexion que j'ai atteint aujourd’hui.

"Après ces années compliquées, je me suis rendu compte rapidement que mon cerveau était en train de changer. J'ai également eu la chance de pouvoir parler à un excellent neurologue qui m'a suggéré de reconstruire de la musique dans ma tête de manière répétitive, car cela aiderait à réentraîner mon cerveau. J'ai donc écouté, uniquement dans ma tête, un morceau de musique particulier, encore et encore et encore, et j'ai senti que mon audition s'améliorait, très lentement. Maintenant, je peux écouter ce morceau de musique et je l'entends avec une clarté absolue, dans la réalité et pas seulement dans mon cerveau."

Shari Eberts : J'ai la chance d'avoir trouvé de bons moyens de gérer mes acouphènes. Mon casque antibruit est littéralement l'objet que je chéris, je le porte toujours dans les avions notamment.

De plus, il y a environ huit ans, j'ai participé à une retraite de yoga où l'on enseignait la méditation, alors j'ai essayé, sans même penser que cela pourrait m’aider avec mes acouphènes. Je suis allée dans le bâtiment de méditation, je me suis assise, j'ai fermé les yeux et j'ai essayé de me détendre. Tout à coup, le son a commencé à disparaître ! Le lendemain, je suis revenue et la même chose s'est produite ! C'était comme si j'avais découvert une chose miraculeuse ! J'essaie toujours de méditer régulièrement, et lorsque je le fais, cela a un participe considérablement à la diminution du bruit.

Nick Coleman : Je voudrais que tout le monde dans le monde passe ne serait-ce qu’une journée avec des acouphènes pour voir ce que c'est, parce que ce n'est pas drôle. Et en échange, j'aimerais entendre à nouveau le vrai silence ce serait un immense plaisir pour moi, juste pour un petit moment.

Shari Eberts : "J'aimerais juste que ce soit plus connu. Les gens ne comprennent pas vraiment ce que c'est que de vivre avec une perte auditive et les acouphènes ne sont qu'un mystère supplémentaire. Si les gens en savaient davantage, ils auraient plus d'empathie et de compréhension face à une personne qui a besoin qu'ils éteignent un ventilateur, par exemple, ou qui doit se retirer d'une situation qui pourrait réveiller ses acouphènes."

Nick Coleman : "L'acceptation est une partie importante de cette bataille. C'est très difficile à dire par rapport à quelque chose d’aussi envahissant et destructeur que les acouphènes, cela semble presque insultant de vouloir l'accepter. Mais je pense que c'est le meilleur outil. J'ai commencé à accepter les miens et ils ont commencé à s'améliorer. Aujourd’hui, mon acouphène est supportable. Il n'est plus destructeur, et ça n’est plus la pire chose de ma vie."

Shari Eberts : "Ce que les gens vont vous dire, 'désolé, vous ne pouvez rien y faire' cela n'est pas vrai. Certes, vous ne pouvez pas les faire disparaître, mais il y a des choses qui peuvent vous aider à y faire face et à vivre avec confortablement. Vous pouvez les masquer en jouant de la musique, vous pouvez faire de la méditation ou encore de l'exercice. Vous pouvez vous entraîner à y penser différemment grâce à la thérapie cognitivo-comportementale. Mais s’il a une chose qui peut vraiment vous aider, c’est de parler à d'autres personnes souffrant d’acouphènes échanger des histoires et des conseils avec elles. Cela peut être un vrai soulagement et un réel soutien.

Les témoignages de Shari et Nick sont propres à leur expérience et à leur vie. Il est toutefois important de noter que des solutions existent pour vivre plus confortablement avec les acouphènes. Cela nécessite toutefois un travail exploratoire pour obtenir le bon équilibre. Pour ce faire vous pouvez vous faire aider et accompagner par un audioprothésiste.

Renseignez-vous gratuitement auprès d’un professionnel proche de chez vous.

Source : IDA Institute